jeudi 3 mars 2011

Amalia

[ extrait des Éphémérides d'Arachnae] Originaire d'Arachnae, Cristofero Mantegna est l'auteur d'une quinzaine de pièces tragiques et de deux romans : Depuis les ombres et Les Liens du sang. Ancien élève de l'Académie de Vespera, Cristofero Mantegna dirige depuis deux saisons le théâtre des Jardins. Amalia, tragédie sur le thème de la gémellité, a été jouée avant-hier devant le prince Alessio et sa concubine, la belle Ornella Colonna.


Amalia, Acte V, scène dernière. 
 (Les falaises, au clair de lune. Amalia apparaît, vêtue des voiles noirs de la mort)

AMALIA : Ô Lune ! Ce soir, ma jumelle, la douce Alissa
Épouse Ruben, et moi, je cours au trépas.
Le venin qui depuis longtemps ronge mon cœur,
L’empoisonne de jalousie et de rancœur,
Achève de corrompre mon âme. Je le sais,
Et plutôt que ruiner cet hymen que je hais,
Que j’ai permis pourtant, puisque je suis ici,
J’ai abandonné mes parures nacarat,
Mes bijoux de perles roses, d’or et de grenat,
Ne gardant que l’anneau serti d’un chaton noir,
Ultime antidote à une vie sans espoir.
Car j’ai résolu de célébrer cette nuit
D’autres noces, plus tristes. Regarde ! Ma robe endeuillée,
Fait-elle de moi une jolie fiancée ?

(Amalia ouvre la bague et avale le poison qu’elle contient.)

Crois-tu que l’océan voudra bien m’accueillir,
Et sous ses baisers d’écume m’ensevelir ?
Crois-tu que cela suffira à étouffer
L’affreuse souffrance qui déchire mon corps,
Et ma rage contre cette sœur que j’adore ?

(Elle vacille.)

Sois heureuse, Alissa ! Notre vœu enfantin,
Sous l’œil de la Déesse s’accomplit enfin,
Puisqu’en un même temps nous voici mariées,
Toi, à celui que tu aimes depuis toujours,
Moi, à la mort dans ses plus ombrageux atours !

(Elle meurt et bascule dans le vide. Rideau.)

2 commentaires: